mercredi 14 mai 2014

Nano-bulles

Très récemment, les nano-bulles de gaz en solution dans l’eau ont fait l’objet d’une grande attention dans différents domaines de recherche à cause de leurs effets spectaculaires pour l’activation de la croissance des huîtres, sur la symbiose entre eau douce et eau salée pour les poissons dans le même aquarium, pour la préservation du nerf vague chez les rats ainsi que pour leurs réactions rapides avec les hydrates de méthane.  Ceci est d’autant plus surprenant que les nano-bulles sont censées être thermodynamiquement instables en solutions aqueuses. En effet, à pression atmosphérique la tension superficielle de l’interface air/eau est de γ ≈ 72 mN·m-1 ce qui implique que la pression interne de la nano-bulle est alors donnée par l’équation de Young-Laplace p = 2γ/r où r est le rayon de la nano-bulle. On sait aujourd'hui que  les nano-bulles se forment dès que l’eau devient sursaturée en gazLa figure suivante montre des nano-bulles de diazote, générées au moyen d’un dispositif spécial à la concentration de 1,9·1019 nano-bulles par litre d’eau et observées par microscopie électronique à balayage sur des répliques gelées de ces solutions. 

On trouve ainsi un rayon de 50 nm pour la plupart de ses nano-bulles, ce qui signifie qu’elles doivent avoir une pression interne proche 3 MPa. Cette pression interne étant supérieure à celle de l’eau environnante (0,1 MPa) on devrait observer une diffusion du gaz depuis la bulle vers la solution. Les lois classiques de la diffusion prévoit ainsi une durée de vie de l’ordre de 1 µs pour une nano-bulle en solution. Or, il n'en est rien et ces nano-bulles peuvent avoir des durées de vie supérieures à deux semaines, ce qui est évidemment très surprenant.
Des mesures par spectroscopie Raman réalisées sur ces nano-bulles montrent que le diazote est bien présent sous forme gazeuse dans ces solutions et non sous forme moléculaire solvatée par l’eau, ce qui provoquerait une légère diminution de 3 cm-1 de la fréquence de vibration N≡N par rapport au gaz (figure ci-dessous à droite):


L’analyse du spectre infrarouge de ces nano-bulles en solution (figure ci-dessus à gauche) révèle l’existence de liaisons hydrogène relativement fortes entre les molécules d’eau très similaires à celles que l’on trouve dans la glace ou dans les hydrates de méthane cristallisés. De plus, on constate que la pression interne de ces nano-bulles est proche de 6 MPa valeur deux fois supérieure à la valeur prévue par l’équation de Laplace compte tenu de leur rayon de 50 nm. Il existe donc une force mystérieuse qui empêche le gaz de diffuser à travers la frontière de ces nano-bulles compte tenu de la très grande pression favorisant une telle diffusion vers la solution. 
L'idée générale pour expliquer cette stabilité est qu'il y a accumulation de substances dissoutes à l'interface liquide-gaz. En effet, l’adsorption de manière dense de substances tensioactives à une interface induit de manière générale une barrière à la diffusion des gaz, fait qui a été exploité pour éviter l’évaporation dans les réservoirs, ou pour stabiliser les nano-bulles en volume pour des agents de contraste. On peut donc imaginer qu’une dense couche de matière tensioactive à l’interface liquide-gaz d’une nano-bulle aurait pour conséquence d’inhiber très fortement la diffusion du gaz piégé à l’intérieur de la nano-bulle interfaciale vers la solution aqueuse.  Une autre explication serait que la stabilité surprenante des nano-bulles soit liée à la structuration de l'eau en domaines de cohérence, comme le prévoit la physique quantique des champs. En effet, les solutés comme les bulles de gaz ne pouvant pénétrer à l'intérieur d'un domaine de cohérence, ces derniers sont obligés de s'accumuler dans l'eau incohérente remplissant les interstices générés par les domaines de cohérence. Piégées dans un réseau inextricable de domaines de cohérence, les nano-bulles ne pourraient plus coalescer entre elles tandis que les molécules de gaz qu'elles contiennent seraient contraintes de revenir dans la nano-bulle après en être sorti suite à leur réflexion sur les parois infranchissables que représentent les domaines de cohérence. 

Références
Ohgaki K., Khanh N. Q., Joden Y. Tsuji A., Nakagawa T., «Physicochemical approach to nanobubble solutions», Chem. Eng. Sci., 65 (2010) 1296-1300.
Ducker W.A., «Contact Angle and Stability of Interfacial Nanobubbles», Langmuir, 25 (2009) 8907-8910.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire