Le rapport D/H de la nébuleuse proto-solaire a été estimé à 21 ± 5 x 10-6 en utilisant comme référence la composition isotopique de l’hélium solaire et la composition isotopique de l’hydrogène moléculaire dans les hautes atmosphères des planètes géantes. Cette valeur est 7 fois plus faible que la valeur océanique. Des modèles de la nébuleuse proto-solaire ont montré que seuls des planétésimaux formés dans la région de Jupiter-Saturne et dans la ceinture d’astéroïdes exterieure pouvait avoir des rapports D/H voisins de ceux mesurés dans les océans. Deux seuls corps planétaires peuvent donc être à l’origine de l’eau: les comètes et les chondrites carbonées hydratées. \n\nLes comètes sont des corps composés de glaces (d''eau mais aussi avec quantités mineures de méthanol, de monoxyde et de dioxyde de carbone) mêlées à des particules de silicates, de carbone et de matières organiques. Ces comètes proviennent du nuage d’Oort localisé dans la région extérieure du Système Solaire, contenant principalement des planétésimaux qui se trouvaient initialement dans la région d’Uranus-Neptune ainsi que dans la ceinture de Kuiper primordiale.
Les météorites chondritiques sont des météorites pierreuses ayant moins de 35 % de métal et contenant des chondres, billes de silicates de quelques millimètres formées lors de la condensation de la nébuleuse solaire il y a environ 4,56 milliards d''années. Parmi les météorites les plus primitives, les chondrites carbonées contiennent une large quantité d’eau: jusqu’à 22g pour 100g de roches. Actuellement ce type de météorites est rare constituant seulement 4% des météorites tombant sur la Terre, mais leur réservoir extra-terrestre semble assez considérable. On en trouve ainsi un grand nombre dans la ceinture exterieure d’astéroïdes localisée entre Mars et Jupiter à 2 UA du Soleil, source principale de météorites arrivant actuellement sur Terre. Le sol lunaire contient entre 1 et 2% de ces chondrites carbonées, tandis que le plus grand flux de matière extra-terrestre (40 000 tonnes par an) atteignant actuellement la Terre au niveau de l’Antarctique sont des micrométéorites de type chondrites carbonées hydratées. Comme le montre le tableau précédent et la figure suivante, le rapport D/H des eaux océaniques et celui de la Terre entière se trouve être assez proche de celui que l’on trouve dans les chondrites carbonées.
On voit donc que le débat est loin d’être clos, l’hypothèse la plus couramment admise est que 90% ou plus de l’eau que l’on trouve sur Terre a été apportée par de petits astéroïdes Troyens ayant une composition chondritique et provenant de la ceinture d’astéroïdes extérieure. L’époque de délivrance est très probablement à la fin de l’accrétion de la Terre. Ceci est suggéré par la présence de quantités anormales d’éléments sidérophiles dans le manteau terrestre. Les sidérophiles sont en effet des éléments du groupe du platine qui auraient dû migrer vers le noyau durant la différentiation primaire de la Terre, en même temps que l’alliage Nickel-Fer (Ni-Fe). Or, il se trouve qu’une quantité non négligeable de ces éléments est encore présente dans le manteau et ceci ne peut être expliqué que par une addition tardive, après la formation du noyau et la séparation du manteau. La formation du noyau terrestre a été estimée à 50 millions d’années après la condensation à partir de la nébuleuse proto-solaire. L’abondance relative des sidérophiles dans le manteau est en fait très similaire à celle des météorites primitives, comme les chondrites carbonées hydratées. Un bilan de masse suggère qu’un flux météoritique équivalent à 4,5 x 10-3 de la masse terrestre (MT = 6 x 1024 kg) pourrait expliquer la délivrance tardive des éléments siérophiles dans le manteau. Un tel flux de chondrites carbonées hydratées contenant de 6 à 22 pds% d’eau aurait ainsi pu délivrer à la Terre 1,6-6,0 x 1021 kg d’eau, c’est à dire de 1 à 4 fois la masse océanique actuelle (1,4 x 1021 kg).\n\nL’origine de l’eau sur Terre ayant été quelque peu clarifiée, voyons maintenant à quelle époque sont apparus les océans.
Références
Daniele L. Pinti (2005), «The Origin and Evolution of the Oceans», Lectures in Astrobiology, Vol. 1. M. Gargaud, B. Barbier, H. Martin & J. Reisse Eds, Springer-Verlag, New York, Berlin, p.83-112.
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