mercredi 28 mai 2014

Eau primordiale

D’où provient toute l’eau de l'hydrosphère terrestre? Bonne question qui turlupine l'astrophysique et la géophysique depuis bon nombre d'années. En science, on appelle «eau primordiale» toute forme d’eau créée par le cosmos lui-même à partir d’atomes d’hydrogène et d’oxygène générés au sein du cœur des étoiles et dispersés dans tout l’univers suite à leurs explosions par pression gravitationnelle. Ce sont ces mêmes eaux primordiales que l’on retrouve aussi dans tous les mythes religieux de création et d’apparition de la vie sur Terre. Dans cette page et celles qui lui sont liées, je donne la vision scientifique basé sur l’excellent article de Daniele L. Pinti [1], la vision mythologique étant abordée dans un autre page.
Le problème de l’origine de l'hydrosphère terrestre n’est pas facile à résoudre en raison du fait que le système atmosphère-océan s’est formé durant la période que l’on appelle l’Hadéen correspondant aux premières 700 millions d’années de notre planète:


Grosso modo, c’est la période qui s’étend depuis l’accrétion de la planète à partir de poussières cosmiques jusqu’à la fin du bombardement météoritique intense, il y a 3,9 milliards d’années. En fait, aucun indice géologique de cette période Hadéenne ne subsiste aujourd’hui en raison de l’intense activité tectonique de la jeune Terre qui a tout effacé. Tout ce qui reste de cette période ce sont quelques zircons détritiques trouvés dans l’ouest de l’Australie et qui semblent montrer la présence d’eau liquide très tôt dans l’histoire de la terre, c’est à dire 50 millions d’années après la fin de l’accrétion cosmique. Quelques dizaines de millions d’années plus tard, il semblerait que les océans soient déjà présents avec des conditions de température, de salinité et de pH aptes à favoriser la survie d’organismes vivants appelés «extrêmophiles», et ce bien avant la fin du bombardement météoritique intense de la terre. Ceci signifie que suite à l’impact de larges astéroïdes, ces océans ont pu rentrer en ébullition, stérilisant momentanément toute vie sur la jeune planète.
Tous les modèles de formation des océans terrestres se doivent d’apporter une réponse claire à une question de base: quand et comment l’eau est elle arrivée sur notre planète. Jusqu’à présent deux grands types de scénarios ont été envisagés:

i) Une apparition durant l’accrétion de la Terre, ce qui implique que tout l’eau océanique était disponible depuis le début.
ii) Un apport continu d’eau à travers les éons qui se sont écoulés depuis l’accrétion, ce qui implique une masse océanique croissante.

C’est la première hypothèse qui semble à l’heure actuelle avoir la faveur d’une majorité de spécialistes de cette question. Toutefois la nature du transporteur d’eau (météorite ou comète) ainsi que le moment précis de délivrance de cette eau (pendant l’accrétion ou juste à la fin) font encore l’objet de vifs débats.
Les arguments à l’appui de la deuxième hypothèse qui implique une masse océanique croissante au cours du temps sont basées sur la théorie du chercheur américain Louis A. Frank de l’université de l’Iowa. Ce dernier a montré grâce à une série de mesures faites sur des engins spatiaux, que la Terre était bombardée de manière continue par un grand nombre de petites comètes [2-4]. Le calculs montrent qu’une masse de l’ordre de 2,2-8,5 x 1021 kg d’eau a été ainsi apportée sur la Terre depuis sa formation, sous l’hypothèse d’un flux constant. Ceci est équivalent à 3 fois la masse actuelle des océans (1,4 x 1021 kg). Cette hypothèse ne fait pas l’unanimité car elle est en contradiction avec les modèles décrivant les variations du niveau moyen de la surface des océans depuis l’Archéen et qu’elle ne permet pas d’expliquer le dépôt de certains minéraux sulfurés au cours de l’Archéen, nécessitant une profondeur océanique minimale de 3 km [5]. Reste donc à examiner l’hypothèse d’une masse d’eau liquide considérable tout de suite après la formation de la Terre. au moyen des rapports isotopiques hydrogène sur deutérium (H/D) terrestres et extraterrestres. Ceux qui voudraient se rafraîchir la mémoire sur la notion d’isotope pourront cliquer sur le lien suivant.

Référence:
[1] Daniele L. Pinti (2005), «The Origin and Evolution of the Oceans», Lectures in Astrobiology, Vol. 1. M. Gargaud, B. Barbier, H. Martin & J. Reisse Eds, Springer-Verlag, New York, Berlin, p.83-112.
[2] L. A. Frank, J.B. Sigwarth, J.D. Craven, «On the influx of small cometes into the earth’s upper atmosphere. I. Observations.», Geophys. Res. Lett., 13 (1986) 303-306.
[3] L. A. Frank, J.B. Sigwarth, J.D. Craven, «On the influx of small cometes into the earth’s upper atmosphere. II. Interpretation.», Geophys. Res. Lett., 13 (1986) 307-310.
[4] L. A. Frank, J.B. Sigwarth, «Trails of OH emission from small comets near Earth.», Geophys. Res. Lett., 24 (1997) 2435-2438.
[5] C.G.A. Harrison, «Constraints on ocean volume change since the Archaean», Geophys. Res. Lett., 26 (1999) 1913–1916.

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