L’hypothèse la plus probable concernant l’origine de l’eau sur Terre est que la totalité de l’eau inventoriée aujourd’hui était présente très tôt après la fin de l’accrétion de notre planète
à partir de la nébuleuse proto-solaire. La question qui se pose maintenant est de savoir quand sont apparus les océans et surtout quand ils sont devenus capables d’héberger des formes de vie. Côté sédiments marins, les plus vieux qui ont pu être datés au moyen de la famille U-Pb, se trouvent à l’ouest du Gröenland et remontent à 4,865 ± 11 milliards d’années. D’autres preuves de l’existence d’eau liquide très tôt sur Terre peuvent être trouvées en analysant des zircons ZrSiO
4 qui sont des minéraux riches en uranium présents à l’état de trace dans les roches granitiques et qui peuvent donc servir de témoins de la genèse magmatique.
On trouve en effet piégés dans ces zircons les isotopes stables
206,207Pb qui proviennent de la décomposition radioactive des isotopes
235,238Pb. Ces nucléides parents ainsi que leurs produits dérivés restent présents même si les cristaux sont retirés de la roche hôte par l’érosion, transportés comme grains détritiques, déposés ou encore altérés de manière hydrothermal et métamorphosés. Les zircons sont donc d’excellents géo-chronomètres pour dater les roches très anciennes. L’âge U-Pb de zircons en provenance de l’ouest australien a pu ainsi être estimé entre 4,28 et 4,40 milliards d’années. Comme les zircons sont des minéraux silicatés trouvés dans des roches intermédiaires acides (granites), leur présence suggère très fortement l’existence d’un croûte continentale différenciée 150 millions d’années après la fin de l’accrétion de la Terre.
L’aspect le plus intriguant de ces zircons concerne leurs rapports isotopiques
18O/
16O, noté δ
18O qui est compris entre 5.0 ‰, valeur très proche de celle du manteau terrestre (δ
18O = 5.3 ± 0.3 ‰) et 7.4 ± 0.7 ‰, valeur qui ne peut être expliquée que par un mélange entre le manteau et une source enrichie en
18O. La meilleure explication de cet enrichissement est que ces zircons ont pu interagir directement ou indirectement avec des eaux de surface. En effet, les produits d’érosion ou d’altération à basse température de la croûte terrestre, comme la croûte océanique, se caractérisent tous par des signatures δ
18O allant jusqu’à 10 ‰ comme le révèle la figure suivante:
On y voit que la signature δ
18O des zircons de l’Hadéen, de l’Archéen et du Protérozoïque augmente progressivement en raison del’évolution et de la maturation d’une croûte continentale «humide» durant tout le Précambrien. D’autres preuves peuvent également être avancées pour l’existence d’un eau liquide très tôt dans l’histoire de la Terre comme la signature isotopique du néodyme et du strontium dans des roches âgées de 3,80 à 4,04 milliards d’années. Les rapports isotopiques suggèrent qu’entre 10 et 15% du volume total de la croûte continentale étaient déjà formés durant cette période. Cette croûte étant composée de Trondhjemite, de Tonalite et de Granodiorite qui sont des sous-produits directs de la basaltes hydratés fondus, cela signifie que de grandes quantités d’eau étaient disponibles sur Terre bien avant 4 milliards d’années. Ce point étant éclairci, voyons maintenant une grande étape dans le formation des océans qui se trouve coïncider avec
la formation de la Lune.
Référence
Daniele L. Pinti (2005), «The Origin and Evolution of the Oceans», Lectures in Astrobiology, Vol. 1. M. Gargaud, B. Barbier, H. Martin & J. Reisse Eds, Springer-Verlag, New York, Berlin, p.83-112.
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