samedi 31 mai 2014

Étoiles

Tout le monde sait que tout être vivant naît dans l’eau et que sans eau aucun accouchement ne serait possible. Mais savez-vous que c’est également l’eau qui autorise la naissance des étoiles et des planètes [1]. Les étoiles naissent en effet suite à l’effondrement gravitationnel de nuages moléculaires denses. Au tout début, le nuage est extrêmement froid avec une température inférieure à -240°C et dans ces conditions toute l’eau se trouve sous la forme d’une croûte de glace amorphe enrobant chaque grain de poussière. Au fur et à mesure que le nuage s’effondre sur lui-même en raison de la pression gravitationnelle, il se forme une proto-étoile qui rayonne une grande quantité d’énergie sous la forme de lumière et éjecte de manière très violente de la matière sous la forme de jets bipolaires:


 L'image suivante et la vidéo associée montre à quoi ressemblent de tels jets dans la réalité:
Jet stellaire HH-47 capturé par le téléscope Hubble (http://spacetelescope.org/images/opo9524g/) long de 5 000 milliards de kilomètres
Cette émission de lumière et de matière a pour but de transporter l’énergie en excès et le moment angulaire vers l’extérieur de l’objet central. Quand cette énergie et les jets de matière rencontrent le milieu ambiant dense, il y absorption de la lumière et production d’ondes de chocs qui provoquent un échauffement rapide du nuage. Lorsque la température des grains de poussière dépasse -180°C, les croûtes de glace se subliment pour former de l’eau vapeur, tandis qu’au-delà de 25°C, tout l’oxygène atomique se trouve transformé en molécules d’eau: O + H2 → OH + H et O + H2 → H2+ H à condition que le rapport carbone sur oxygène soit inférieur à 1 (si tel n’est pas le cas il y a plutôt formation de monoxyde de carbone CO que de vapeur d’eau). La teneur en eau du nuage s’accroît ainsi de plusieurs ordres de grandeur et l’eau devient la molécule la plus abondante après l’hydrogène moléculaire H2. On obtient ainsi une abondance en eau de 10−9 à 8·10−8 par rapport à l'hydrogène moléculaire [2]. Comme ce dernier est un très mauvais réfrigérant, c’est à l’eau que revient le lourd fardeau de refroidir le milieu gazeux. L’eau vapeur possède en effet un spectre d’énergie très riche dans la gamme infrarouge (λ = 3-200 µm) en raison de l’existence de nombreux niveaux d’énergies de rotation et de vibration bien séparés. Ceci confère à la molécule d’eau un excellent pouvoir réfrigérant via les multiples canaux d’émission photonique autorisant une conversion efficace de l’énergie thermique dues aux collisions en lumière infrarouge. Au fur et à mesure de l’évolution de la proto-étoile, le nuage autour de cette dernière se trouve graduellement dispersé dans l’espace, mais s’il est suffisamment dense, l’eau peut se déposer à nouveau sous la forme de glace amorphe à la surface des grains de poussière et rester ainsi présente jusqu’à la formation d’un système protoplanétaire qui finira par se condenser sous forme de planètes, de comètes ou de météorites, objets tous extrêmement riches en glace. 
Lorsqu’une comète, s’approche suffisamment près d’une étoile, la sublimation de la glace va produire de grandes quantités d’eau à raison de 10 000 tonnes par seconde [3], ce qui donne naissance aux magnifiques queues de ces objets extra-planétaires. Les météorites quant à elle en s’écrasant à la surface des planètes vont enrichir ces dernières en eau, ce qui permettra la formation l’apparition de l’eau liquide sous la forme d’océans si la taille de la planète n’est ni trop petite, ni trop grande et si elle se trouve ni trop proche, ni trop loin de l’astre central.  Il faut savoir que cet enrichissement en eau venue de l’espace se produit de manière perpétuelle, et que chaque jour, la planète Terre est percutée en une minute par 5 à 30 petites comètes, ce qui correspond à  une arrivée d’eau extra-terrestre de l’ordre de 40 tonnes par seconde [4]. 
Ainsi de la même manière que la couche d’ozone protège la vie des rayonnements UV du soleil, l’eau autour des proto-planètes protège le milieu gazeux nourricier d’une trop forte température qui détruirait tout édifice moléculaire pouvant apparaître par réaction en phase gazeuse [5]. À un échelle encore plus grande, l’eau a été détectée sous forme de glace amorphe au sein de la voie lactée et dans 18 autres galaxies sur 103 testées [6]. Enfin, un quasar est un objet astronomique formé d’un gigantesque trou noir dévorant son disque de gaz et de poussière et émettant par là-même une énorme quantité d’énergie dans l’espace. Très récemment des masses d’eau considérables (25 000 fois la masse du soleil) ont été détectées autour d’un quasar âgé de 12 milliards d’années [7]!!!


Aussi loin que l’on se déplace dans l’espace et aussi loin que l’on remontre dans le temps, on trouve bien l’eau à l’origine de toute chose.

Références
[1] B. Nisini, «Water’s Role in Making Stars», Science, 290 (2000) 1513-1514.
[2] R. L. Snell,  J. E. Howe, M. L. N. Ashby , E.A. Bergin, G. Chin, N. R. Erickson, P. F. Goldsmith, M. Harwitt, S.C. Kleiner, D. G. Koch, D. A. Neufeld, B. M. Patten, R. PLume, R. Schieder, J.R. Stauffer, V. Tolls, Z. Wang, G. Winnewisser, Y. F. Zhang  & G. J. Melnick, «Water abundance in molecular cloud cores», Astrophys. J., 539 (2000) L101-105.
[3] P. Hartogh, J. Crovisier, M. de Val-Borro, D. Bockelée-Morvan, N. Biver, D.C. Lis, R. Moreno, C. Jarchow, M. Rengel, M. Emprechtinger, S. Szutowicz, M. Banaszkiewicz, F. Bensch, M. II. Blecka, T. Cavalié, T. Encrenaz, E. Jehin, M. Küppers, L.-M. Lara, E. Lellouch, B. M. Swinyard, B. Vandenbussche, E. A. Bergin, G. A. Blake, J. A. D. L. Blommaert, J. Cernicharo, L. Decin, P. Encrenaz, T. de Graauw, D. Hutsemekers, M. Kidger, J. Manfroid, A. S. Medvedev, D. A. Naylor, R. Schieder, N. Thomas, C. Waelkens, P. R. Roelfsema, P. Dieleman, R. Güsten, T. Klein, C. Kasemann, M. Caris, M. Olberg & A. O. Benz, «HIFI observations of water in the atmosphere of comet C/2008 Q3 (Garradd)», Astronomy & Astrophysics, 548 (2010) L150-155.
[4]  L.A. Frank, J.B. Sigwarth  & J.D. Craven, «On the influx of small comets into the earth’s upper atmosphere. II Interrpetation.» Geophys. Res. Lett., 13 (1986) 307-310.
[5] T. Bethell  & E. Bergin, «Formation and survival of water vapor in the terrestrial planet-forming region», Science, 326 (2009) 1675-1677.
[6] P. Jenniskens & D. F. Blake, «Structural transitions in amorphous water ice and astrophysical implications», Science265 (1994) 753-756.
[7] C. M. Bradford, A. D. Bolatto, P. R. Maloney, J. E. Aguirre, J. J. Bock, J. Glenn, J. Kamenetzky, R. Lupu, H. Matsuhara, E. J. Murphy, B. J. Taylor, H. T. Nguyen, K. Scott & J. Zmuidzinas, «The water vapor spectrum of APM 08279+5255; X-ray heating and infrared pumping over hundreds of parsecs», Astrophys. J. Lett., 741 (2011) L37-44.


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