vendredi 30 mai 2014

Cryosphère

On trouve dans les permafrosts, qui sont des sols gelés âgés de plusieurs millions d’années présentant des température allant de 0°C à -27°C, entre 102 et 107 cellules par gramme de sol [1]. Par comparaison, on ne retrouve que quelques douzaines de cellules viables par mL d’eau récupérée par fusion de carottes glaciaires pures datant de l’Holocène prélevées en Antarctique ou au Groënland, la quantité de cellules viables augmentant avec le taux de poussières. Les observations microscopiques de sections de glace intacte dans un gamme de température allant de -2°C à -20°C ont de fait révélé l’existence d’inclusions de saumures liquides habitées par des bactéries [2]. La plupart des bactéries sont cependant observées en association avec des surfaces variées comme des grains de sédiment, des détritus et au niveau des joints de grain entre cristaux de glace. Dans un permafrost, la glace constitue de 92% à 97% du volume d’eau et sert de cryo-conservant pour la matière biologique. Il existe donc 3% à 8% d’eau non gelée sous la forme de couches d’eau douce ou saumâtre ayant une épaisseur comprises entre 0,5 et 7,5 nm (eau morphogénique) . Ces couches d’eau en recouvrant les particules organo-minérales protègent les cellules viables de la destruction mécanique provoquée par la croissance intrusive des cristaux de glace et permettent le transfert massique des sous-produits de l’activité microbienne régnant au sein du permafrost. Cette eau morphogénique sert aussi probablement de milieu nutritif car elle peut contenir de nombreux ions ou molécules. Il en découle que la cryosphère terrestre, regroupant permafrosts, banquises et glaciers représente aussi une part significative de la biosphère. La figure suivante illustre la biodiversité d'un permafrost [1]:


On notera aussi que, pour la glace pure, il y a aussi les trous de cryoconites qui sont des cavités générées sous l’action réchauffante de l’irradiation solaire par des particules présentes sur la surface d’un glacier et qui s’enfoncent dans la glace sous-jacente suite à sa fusion. 


Ce sont des environnements uniques qui contiennent de l’eau liquide inoculée par les substances relâchées par les particules ou par la glace fondante. Chaque trou de cryoconite est par essence unique et peut par conséquent supporter un écosystème complet limité spatialement. Durant les étés polaires, l’activité photosynthétique des algues et cynaobactéries présentes au sein de ces trous de cryoconites est suffisante pour alimenter le métabolisme d’écosystèmes complexes impliquant bactéries (Acidobacterium, Actinobacteria, Cyanobacteria, Cytophagales, Gemmimonas, Planctomycetes, Proteobacteria, and Verrucomicrobia), algues vertes (Pleurastrium), diatomées, champignons (Choiromyces), ciliés (Spathidium) et métazoaires (nématode, tardigrade, et rotifère).

Références
[1] David A. Gilichinsky, «Permafrost Model of Extraterrestrial Habitat», in Astrobiology: The quest for the Conditions of Life, Springer, Berlin (2002), chap. 8, pp. 125-142.
[2] K. Junge, H. Eicken & J.W. Deming, « Bacterial Activity at -2 to -20°C in Arctic Wintertime Sea Ice », Appl. Environ. Microbiol., 70 (2004) 550-557.
[3] B. C. Christner, B. H. Kvitko II & J. N. Reeve, «Molecular identification of Bacteria and Eukarya inhabiting an Antarctic cryoconite hole», Extremophiles, 7 (2003) 177–183.

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