jeudi 8 mai 2014

Équation d'état

L'établissement d'une échelle absolue de température nous a appris qu’un gaz pouvait être qualifié de parfait lorsque ses deux coefficients de Joule-Thomson, isoénergétique et isenthalpique, étaient nuls et que la conséquence de cet état de fait était que l’on pouvait écrire p = f(V)·T  à pression constante et V = g(p)·T à volume constant. Si je fais le rapport p/V = f(V)/g(P), la température s’élimine et  je trouve que les deux fonctions f(V) et g(p) doivent être telles que p·g(p) - V·f(V) = 0. Or la seule manière de satisfaire cette équation où un terme fonction uniquement de la pression compense toujours un terme ne dépendant que du volume est d’avoir g(p) = K/p et f(V) = K/V, où C est une constante qui ne dépend ni du volume, ni de la pression, ni de la température mais qui est proportionnelle au nombre de moles de gaz n d’après la loi d’Avogadro. Cela signifie donc que, pour un tel gaz, j’écrirais K = n·R et que pression, volume et température doivent donc toujours être reliés par la relation p·V = n·R·T. Maintenant, les détentes de Joule-Gay-Lussac et de Joule-Thomson m’apprennent que l’énergie interne d’un gaz parfait ne dépend pas de son volume, (∂U/∂V)T = 0, et  que son enthalpie ne dépend pas de la pression,  (∂H/∂p)T = 0. Par conséquent, énergie interne U et enthalpie H ne peuvent dépendre que la température et je peux donc écrire: dU = (∂U/∂T)V·dT = cV·dT et dH = (∂H/∂T)p·dT = cP·dT, soit comme H = U + p·V, d(p·V) = (cP - cV)·dT = R·dT. La constante R est donc égale à la différence entre la capacité calorifique isobare et la capacité calorifique isochore: R = (cP - cV)/n, où si je considère des capacités calorifique molaires CP = cP/n et CV = cV/n, R = (CP - CV). La mesure de cette constante sur de nombreux gaz a été réalisée a donné comme valeur R = 8,314 J·K-1·mol-1, et l’équation des gaz parfaits fut un grand succès théorique du milieu du XIXème siècle qui donna naissance au concept de température absolue, comme la limite lorsque la pression devient nulle du rapport p·V/nR. Comme cette température est indépendante de la nature du gaz utilisée, elle fut identifiée à la température au sens de Kelvin, variable conjuguée de la fonction d’état S(T,V) telle que dQ = T·dS. 


L’équation des gaz parfaits, p·V = n·R·T, qui vient d’être démontrée est donc une relation fonctionnelle entre 3 variables d’état: pression, volume et température qui m’indique qu’il est impossible pour une masse de gaz de faire varier de manière indépendante ces trois paramètres. Pour une certaine pression p et un certain volume V il ne peut y avoir qu’une seule température d’équilibre T, tandis que vous V et T fixés, le gaz ne peut avoir qu'une seule valeur de pression. De la même manière un câble, ne peut avoir une élongation et une tension que pour une certaine température et un diélectrique ne pourra avoir une température et une polarisation  Pe que pour une certaine valeur du champ électrique E. Tous ces systèmes thermodynamique simples à 3 paramètres et une contrainte sont qualifiés de systèmes à deux degrés de liberté pour toute la gamme de d’états d’équilibre possibles obtenus en faisant varier de manière arbitraire deux variables sur les trois disponibles. Mathématiquement parlant, on exprime cet état de fait par une relation fonctionnelle f(x,X,T) = 0 que l’on appelle équation d’état, où X est une force généralisée (pression, tension, champ électrique ou magnétique, etc...) et x le déplacement généralisé associé (volume, élongation, polarisation électrique ou magnétique, etc...) et T la température de Kelvin. De nouveau, il est bon d’insister sur le fait qu’une telle équation d’état ne s’applique qu’à l’équilibre thermodynamique, car sinon la température ou d’autres variables d’état risquent de ne pas avoir de valeur bien définies. Par exemple, il est impossible d’assigner une pression unique à un gaz qui vient de subir un brusque changement de volume et il faut attendre pour cela que les ondes sonores générées par cet expansion aient toutes disparues. 

Indépendamment de sa forme fonctionnelle, l’existence d’une équation d’état a des conséquences expérimentales. Soit par exemple des expériences réalisées sur le gaz oxygène dans lesquelles on contrôle la température et la pression de manière indépendante. On pourra trouver en faisant toutes sortes de mesures que la compressibilité isotherme κT varie avec la température de manière opposée à la variation du coefficient d’expansion thermique isobare αP avec la pression. En afit, une telle relation n’est pas spécifique à l’oxygène car elle est la conséquence mathématique du fait que V est une fonction définie de P et de T, c’est-à-dire une différentielle totale exacte:\[{\kappa _T} =  - \frac{1}{V}{\left( {\frac{{\partial V}}{{\partial p}}} \right)_T},{\alpha _P} = \frac{1}{V}{\left( {\frac{{\partial V}}{{\partial T}}} \right)_P}\]
\[ \Rightarrow \frac{{\partial {\kappa _T}}}{{\partial T}} =  - \frac{{\partial {\alpha _P}}}{{\partial p}} \Leftrightarrow \frac{{{\partial ^2}V}}{{\partial p\partial T}} = \frac{{{\partial ^2}V}}{{\partial T\partial p}}\]
\[ \Leftrightarrow dV(p,T) = V\cdot{\kappa _T}\cdot dp + V\cdot{\alpha _P}\cdot dT\]
On remarquera que lorsque le nombre de degrés de liberté augmente, il pourra y avoir plusieurs équations d’état. Si je considère par exemple le nitrobenzène, molécule qui possède un fort moment dipolaire électrique et qui peut donc s’aligner sous l’action d’une champ électrique, cet alignement préférentiel des molécules sous champ électrique va faire varier la pression même si le volume et la température sont fixés. Le système est donc à trois degrés de libertés pour quatre variables (p, V, T et E). Comme il est facile de faire de contrôler p, T et E sur un plan expérimental, il faudra donc deux équations d’état V = V(p, T, E) et Pe = Pe(p, T, E) pour le volume V et la polarisation électrique Pe. De même pour quatre degrés de libertés, il faudra avoir trois équations d’état et ainsi de suite. Pour retrouver une seule équation d’état V = V(p, T) et traiter le nitrobenzène comme un système à deux degrés de liberté, il faut donc penser à fixer la valeur du champ électrique, ce qui introduit une contrainte g(Pe, E) = 0 telle que mise à la masse ou introduction d’une électrode reliée à un générateur électrique. Mais si cette contrainte est retirée, alors E et Pe vont varier de manière non contrôlée lorsque je changerai la pression et la température et je ne pourrais plus considérer que le volume n’est fonction que de la pression et de la température. Ceci nous montre bien que tout système physique correspond en fait à une infinité de systèmes thermodynamiques selon le type de variables que je choisis de contrôler et de mesurer. Or un système thermodynamique donné possède a priori un grand nombre de degrés de liberté et c’est l’expérimentateur qui décide via les contraintes qu’il applique au système le nombre de degrés de liberté pertinents, ce qui signifie qu’il ne faut attacher aucun sens physique à la notion de degré de liberté thermodynamique. Si l’on prend soin d’introduire les variables thermodynamiques toujours par paires avec une force ou potentiel généralisée associée avec son déplacement généralisé conjugué, alors tout système thermodynamique à n degrés de libertés devra avoir (n-1) équations d’état indépendantes de telle manière à ce que fixer n quantités suffit à déterminer toutes les autres.

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