lundi 31 mars 2014

Vitamines et anti-oxydants



Il existe deux causes de différences entre produits de synthèse et produits naturels.

i) Les produits naturels chiraux sont en général énantiomériquement purs, ce qui est rarement le cas des produits de synthèse qui sont en général des racémiques. Au mieux, la moitié du produit de synthèse non biologiquement active est tout simplement éliminée ce qui fait travailler inutilement le foie et les reins. Au pire, les deux moitiés sont biologiquement actives, l'une ayant un effet bénéfique et l'autre pouvant être mortelle... Heureusement, les industriels sont parfaitement au courant de ce problème et si tel est le cas ils veillent à fournir un produit lui aussi énantiomériquement pur, qui sera simplement beaucoup plus cher à produire.
ii) La deuxième cause concerne le pseudo-polymorphisme et le polymorphisme des produits cristallins. Beaucoup de produits sont fabriqués à l'état solide et même lorsqu'ils sont énatiomériquement purs, il peuvent adopter une structure cristalline différente du produit naturel (polymorphisme = arrangement spatial différent des molécules dans le cristal) ou bien inclure des molécules étrangères (eau, alcool = pseudopolymorphisme). Le problème est ici que la solubilité du cristal et donc l'activité biologique de la molécule qu'il contient peut être très variable d'un polymorphe à l'autre.

J'ajouterais que les vitamines mêmes naturelles doivent prises avec une posologie strictement contrôlée. Si une carence est évident nuisible, un surdosage l'est aussi à coup sûr. Il y a aussi le problème des vitamines dits "anti-oxydantes". Il devient de plus en plus évident et certain qu'avaler des doses massives d'anti-oxydants met en place un terrain cancéreux. Je résume ici l'opinion de James Watson, co-découvreur de la structure de l'ADN qui s'est exprimé très récemment à ce sujet [1]:

Beaucoup d'études cliniques montrent que le fait de consommer des vitamines et anti-oxydants sous forme de compléments alimentaires n'améliore en rien le fonctionnement du système cardio-vasculaire. D'ailleurs l'étude la plus récente à grande échelle chargée de savoir si la prise de vitamine E diminuait la chance d'avoir un cancer a été arrêtée vue non seulement l'absence de bénéfices mais aussi surtout à cause de l'augmentation des cancers de la prostate chez les personnes qui consommaient de la vitamine E. Il est assez facile de savoir comment les anti-oxydants ont pu être regardés comme une aide pour la santé, car ces molécules permettent de neutraliser les radicaux libres (acronyme ROS en anglais pour "Reactive Oxygen Sspecies") formés par le métabolisme lors de l'oxydation du glucose en dioxyde de carbone et eau (métabolisme). En effet, ces radicaux sont très toxiques dès qu'ils sont en excès car ils peuvent dans ces conditions endommager l'ADN et les protéines et aboutir par conséquent à l'apparition de cellules mutantes cancéreuses. Muni de cette évidence simpliste, certains médecins ont cru bon de déclarer la guerre aux ROS en les accusant d'êtres les responsables du vieillissement prématurés des cellules et les industries chimiques et pharmaceutiques se sont aussitôt rués dans la brèche pour offrir au consommateur effrayé par la vieillesse, le cancer et la mort toute une gamme de compléments alimentaires anti-oxydants à prendre matin, midi et soir. Les vendeurs d'eau se sont aussi mis sur le coup en vantant les mérites de boire un eau alcaline et réductrice pouvant avoir un rH2 proche de zéro!!! Quelle folie, lorsque l'on apprend que les aliments anti-cancer comme les choux de Bruxelles ou les brocolis agissent par leur capacité à favoriser les processus cellulaires pro-oxydatif plus que ceux de nature anti-oxydante... N'oublions que la vie est à la base une oxydation tandis que la putréfaction et la mort correspondent à une réduction... Le fait que la consommation de compléments alimentaire anti-oxydants favorise la prolifération cancéreuse devient facile à comprendre lorsque l'on sait que les rayons ionisants qui tuent les cellules cancéreuses le font via la création d'une grande quantité de ROS!!! De même, si la chimiothérapie fonctionne ce n'est pas tellement la nature chimique de la molécule qui compte pour son efficacité mais plutôt son pouvoir de génération d'ions superoxyde, de radicaux hydrogène ou hydroxyles, tous de puissants oxydants. C'est la raison pour laquelle lorsque qu'une cellule cancéreuse devient résistante à une molécule anti-cancéreuse, elle devient non seulement résistante à toutes les autres molécules utilisées en chimiothérapie mais également elle devient plus résistante aux rayons ionisants. Des recherches récentes sur le cancer du pancréas ont révélées que les cellules cancéreuses les plus agressives sont précisément celles qui ont des niveaux de molécules anti-oxydantes les plus élevées. Ces anti-oxydants endogènes sont en effet produits par le corps pour empêcher les ROS de déclencher les senseurs qui initient la mort cellulaire programmée (apoptose). Toute la clé de la lutte contre le cancer réside donc dans notre capacité à réduire de manière spécifique le niveau des molécules anti-oxydantes dans les cellules cancéreuses, soit de manière endogène (alimentation), soit de manière exogène (médicament).
Ceci nécessite donc de comprendre comment notre corps contrôle de manière naturelle son niveau de molécules anti-oxydantes. En absence de ROS, les niveaux cellulaires de ces molécules anti-oxydantes sont en général très bas grâce à une enzyme portant le joli nom de "Keap 1 ubquitine ligase". Cette enzyme a pour rôle de détruire le facteur de transcription Nrf2, molécule qui contrôle l'expression d'un gène, qui permet de déclencher la synthèse des principales molécules anti-oxydantes qui sont au nombre d'une dizaine. Dès que les ROS deviennent trop nombreuses, le facteur Nrf2 n'est plus détruit et la cellule commence à produire les molécules anti-oxydantes en grande quantité afin de détruire ces ROS. Jim Watson suspecte aussi que lorsqu'une cellule doit se reproduire, elle déclenche aussi cette production d'anti-oxydants afin de protéger le simple brin très vulnérable d'ADN en train de se reproduire. Ceci est cohérent avec l'observation récente que les cellules souches sont très riches en molécules anti-oxydantes car leur destinée est de se reproduire.
Existe-t-il actuellement une molécule capable de tuer sélectivement une cellule souche cancéreuse sans toucher aux autre cellules non cancéreuses? Selon Jim Watson, la Metformine employée dans le traitement du diabète de type 2 semble avoir cette capacité. Cette molécule est relativement facile à utiliser et se trouve être l'une des plus prescrite dans le monde entier. Selon des études récentes, elle permet de réduire de 20 à 40% l'incidence des cancers du poumons, du pancreas et du côlon. Il semblerait que la Metformine tue de manière préférentielle les cellules souches mésenchymales cancéreuses, précisément celles qui sont le plus difficile à éradiquer. Elle le ferait précisément en initiant la mort par apoptose des cellules qui contiennent une quantité de molécules anti-oxydantes suffisante pour neutraliser les effets des ROS.
Le cancer n'est pas la seule maladie où les anti-oxydants interviennent. Ainsi on commence à soupçonner que le diabète de type 2 survient lorsque des molécules anti-oxydantes bloquent les ROS messagers essentiels qui permettent au foie de savoir s'il doit augmenter la sensibilité à l'insuline ou bien réduire le taux de synthèse du glucose. Le rôle essentiel joué par les ROS au niveau du foie a été mis en évidence en 2009 en remarquant que l'exercice physique prévient l'apparition du diabète de type 2 en augmentant la production de ROS au niveau de la chaîne de transport des électrons dans les mitochondries (organite au niveau de laquelle se produit l'oxydation du glucose, des lipides ou des protéines). On s'est alors aperçu que ces effets positifs de l'activité physique disparaissaient chez tous ceux qui avalaient des doses journalières de vitamine C ou E. Le même mécanisme pourrait expliquer le fait que l'incidence du cancer du côlon est réduite de 20% chez les hommes qui ont une activité physique fréquente.

Il semblerait donc bien que notre capacité à éliminer les cellules cancéreuses dès leur naissance soit liée à notre capacité à faire fluctuer notre niveau des ROS qui loin d'être nos ennemis sont nos seuls outils de prévention efficace contre le cancer et le diabète de type 2.Là aussi, il faut donc veiller à en prendre le strict minimum... C'est important à faire savoir quand on voit le nombre d'articles dans la presse ventant le mérites d'une nourriture riche en anti-oxydants.

[1] New Scientist, 16 Mars 2013, p. 28-29.

1 commentaire:

  1. ... Et du coup, la vitamine C, on peut toujours s'en "gaver" comme vous disiez lors d'une de vos conférence ?

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