mercredi 28 mai 2014

rédox océanique

L’hypothèse d’un océan Archéen acide est supportée par l’existence de larges dépôts, au début de l’ère Protérozoïque de roches constituées de chailles, de sidérite (FeSiO3) et d’hématite (Fe2O3) avec une quantité de fer comprise entre 30 et 45%. La précipitation de telles roches au début du Protérozoïque peut être expliquée par l’accumulation progressive de fer sous sa forme réduite, Fe2+, dans les océans Hadéens et durant l’Archéen. L’ion Fe2+ est soluble dans l’eau dans des conditions anoxiques, réductrices et pour un pH compris entre 0 et 6. Dans un océan alcalin et oxygéné comme aujourd’hui, l’ion est oxydé en Fe3+ insoluble qui précipite sous forme d’hydroxyde Fe(OH)3. Ces dépôts durant l’ère Protérozoïque constituent donc un indice clair d’un changement majeur de pH et d’état rédox de l’eau de mer et en particulier l’évolution depuis un état anoxique et acide vers un état oxygéné et basique.\n\nIl existe d’autres indices de l’état rédox de l’océan. L’étude des lanthanides dans les sédiments marins confirme l’oxygénation progressive de l’atmosphère et de l’océan, phénomène connu sous le nom de «Grande Vague Oxydative». Par exemple, des calclaires lamellaires appelés microbialites trouvés dans les plateaux calcaires de Campbellrand en Afrique du Sud et âgés de 2,42 milliards d’années montrent un excès de cérium (Ce) absent dans les microbialites actuelles. L’ion Ce3+ est en effet facilement oxydé en ion Ce4+ en présence d’oxygène et se trouve entraîné par les oxydes ferriques, comme cela se passe dans les océans actuels. La présence d’une anomalie cérique au niveau des sédiments marins Archéens est donc un autre indice fort pour l’existence d’un océan anoxique.\n\nD’autre évidences géochimiques de cet anoxie durant l’Archéen proviennent des signatures isotopiques de l’azote contenu dans les kérogènes (matière organiques polymérisées) préservées dans certaines chailles. La composition isotopique moyenne de l’azote dans la matière organique marine actuelle diffère en effet fortement de celle de l’atmosphère. La valeur moyenne du rapport δ15N dans la matière organique marine est de 8 ‰ alors que celle de l’atmosphère est par définition de 0‰ (état de référence). La différence observée entre ces deux rapports δ15N est due au fractionnement isotopique se produisant lors du processus de dénitrification de l’ion NO3- par les micro-organismes anaérobiques.


Pour les kérogènes Archéens primitifs, le rapport δ15N peut decendre jusqu’à -8,1 ‰. Au début du Protérozoïque, le rapport δ15N des kérogènes change de signe en passant de valeurs négatives à des valeurs positives. Cette inversion peut être évidemment attribuée à la «Grande Vague Oxydative». L’oxygénation des eaux de surface océaniques à cette époque fut très certainement accompagnée par un changement de la chimie marine de l’azote dominée initialement par l’ion ammonium, NH4+ vers l’ion nitrate, NO3-. En l’absence d’oxygène dans la colonne d’eau, l’ion NH4+ devait être en effet l’espèce azotée dominante avec un cyclage efficace entre les bactéries photosynthétiques, les bactéries éboueuses et la colonne d’eau. La fixation métabolique bactérienne de l’azote des ions NH4+ expliquerait aisément les valeurs négatives des rapports δ15N des kérogènes Archéens. Un changement dramatique s’est donc produit dès que la concentration en dioxygène O2 s’est mise à augmenter dans la colonne d’eau. Les autotrophes nitrifiants ont alors été capables d’oxyder l’ion NH4+ en ion nitrite, NO2- puis ensuite en ion nitrate NO3-. Ces espèces azotées peuvent être transformées en diazote N2 dans des conditions anaérobiques par les bactéries dénitrifiantes, expliquant les valeurs positives des rapports δ15N observés dans les sédiments marins actuels.\nL’hypothèse d’un océan anoxique primitif demande également que presque tout le soufre contenu dans les espèces volatiles qui a pu être ajouté au système océan-atmosphère durant l’époque Archéenne soit fixée sous forme de pyrite FeS2. Cela semble bien être le cas. Les dépôts significatifs les plus âgés de sulfate de calcium, anhydrite CaSO4, ne datent que 2,3 milliards d’années, alors que la baryte BaSO4 se trouve fréquemment dans les sédiments Archéens ou de ceux du début du Protérozoïque. Cette quantité de baryte est très faible en comparaison de celle de la pyrite de la même époque, mais sa présence indique que l’ion sulfate SO42- était bien présent dans les eaux de surface océaniques durant les 3,45 milliards d’années écoulées. Ceci n’est pas surprenant car le dioxyde de soufre volcanique, SO2 réagit avec l’eau à des températures inférieures à 400°C pour donner de l’hydrogène et de l’acide sulfurique, sans qu’il y ait besoin d’oxygène.

SO2 + 2 H2O → H2SO4 + H2


Dernier point important, pour quelle raison l'eau de mer est-elle salée ?

Référence
Daniele L. Pinti (2005), «The Origin and Evolution of the Oceans», Lectures in Astrobiology, Vol. 1. M. Gargaud, B. Barbier, H. Martin & J. Reisse Eds, Springer-Verlag, New York, Berlin, p.83-112.

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