mercredi 28 mai 2014
Déluge universel
Après la formation d'une croûte solide de composition basaltique, la surface de la Terre continua à se refroidir rapidement, permettant la condensation de la vapeur d’eau. Ceci provoqua un véritable déluge universel avec des pluies soutenues qui en moins d’un milliers d’années aboutit à la formation des océans terrestres. Le taux de précipitation avoisinait alors 7000 mm par an, ce qui correspond à environ 10 fois le taux de précipitation actuel aux latitudes tropicales. Pour une pression atmosphérique en surface de plusieurs centaines de bars, l’eau se condense et précipite dès 600K. La présence d’eau liquide stable à relativement basse température vers 4,40-4,35 milliards d’années, comme le suggère la composition isotopique des zircons, indique que le refroidissement de la Terre fut un processus rapide. Des températures inférieures à 600K, soit environ 330°C ont très probablement été atteintes 50-150 millions d’années après la formation de la Terre. Ces océans néo-formés étaient bien sûr trop chauds pour autoriser le développement de la vie. D’après nos connaissances sur les organismes extrêmophiles, la température maximale de survie des «hyper-thermophiles», organismes qui aiment les eaux bouillantes, est comprise entre 80 et 110°C. Lorsque le flux de chaleur terrestre tomba en dessous de 100 W·m-2, la température des océans passa sous le contrôle direct de l’effet de serre. Des températures de 60 à 110°C peuvent être atteintes à l’équilibre avec une atmosphère résiduelle de 5-25 bars de CO2. Si l’on suppose une pression initiale de CO2 de 210 bars, cela implique de pouvoir recycler efficacement 185-205 bars de de CO2 dans le manteau terrestre. On soupçonne que la carbonatation de la proto-croûte océanique fut le moteur principal de cette extraction du CO2 de l’atmosphère, via la série de réactions:
CaSiO3 + H2O → Ca2+ + 2 HCO3- + SiO2
Ca2+ + 2 HCO3- → CaCO3 + H2CO3
Le calcaire ainsi formé pourrait avoir été recyclé à l’intérieur de la Terre par subduction, ce qui implique l’existence d’une activité tectonique dès 4,4-4,3 milliards d’années. Bien que cela soit très probable, il n’existe cependant pas d’évidence directe en raison des traces géologiques extrêmement rares. Si l’on prend en compte l’instabilité d’une proto-croûte jeune et fine, la fusion partielle causée par l’impact des météorites pour avoir permis une sorte de recyclage de la croûte. Il a été ainsi estimé que le taux actuel de recyclage du CO2 était de 2,3 x 1013 moles par an. Cela signifie que pour retirer de l’atmosphère 40-210 bars de CO2, il faut compter entre 200 millions et 1 milliard d’années. Toutefois la génération et le recyclage de la croûte océanique était probablement plus rapide au cours de l’Hadéen, en raison de la quantité de chaleur plus grande qu’il fallait évacuer de l’intérieur terrestre extrêmement chaud, ce qui implique une convection du manteau vigoureuse. On estime ainsi un taux de recyclage de 2 à 3 fois supérieur à celui existant actuellement avec un maximum théorique de 150 x 1012 moles par an. Avec ce taux plus rapide, le CO2 dans l’atmosphère aurait pu être recyclé entre 30 et 160 million d’années.\n\nCela signifie qu’à une époque comprise entre 4,3 et 4,2 milliards d’années, les océans étaient formés et suffisamment froids pour assurer la survie des premières communautés vivantes, très probablement sous la forme d’hyper-thermophiles. Il est toutefois fort probable que la température des océans ne fut pas très stable durant cette période en raison des impacts successifs d’astéroïdes et de comètes qui ont très bien pu augmenter la température localement au-delà de 110°C, voire même plus (> 300°C) provoquant l’évaporation partielle des océans et leur recondensation. Les océans sont donc vraiment devenus stables que vers la fin de l’Hadéen, soit il y a 3,9 milliards d’années, quand le bombardement météoritique massif de la Terre pris fin. Ce n'est qu'à partir de ce moment là qu'une véritable chimie océanique a pu se mettre en place.
Référence
Daniele L. Pinti (2005), «The Origin and Evolution of the Oceans», Lectures in Astrobiology, Vol. 1. M. Gargaud, B. Barbier, H. Martin & J. Reisse Eds, Springer-Verlag, New York, Berlin, p.83-112.
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