lundi 5 mai 2014

Adénosine triphosphate

Toutes les cellules vivantes ont besoin d'énergie pour fonctionner et doivent donc la stocker dans un réservoir chimique afin de pouvoir l'utiliser au moment où l'on en aura besoin. Pour cela toutes les formes de vie utilisent une même molécule, appelée adénosine triphosphate (ATP) se trouvant à la concentration 1-10 mM dans la cellule [1]. Sur un plan structural, l'ATP est formée par la condensation de trois unités chimiques:

i) Une base azotée hétérocyclique qui est l''adénine
nii) Un sucre à 5 atomes de carbone qui est le D-ribose
iii) Un condensat entre trois groupements phosphate

On appelle "adénosine", la combinaison entre la base azotée et le sucre, représentée par la lettre 'A' dans l'acronyme ATP. Cette dénomination est en fait infiniment regrettable car il se trouve qu'en milieu intracellulaire, l'ATP est toujours fortement associée à un atome de magnésium [2]. Occulter ce fait biologique fondamental est loin d'être la seule turpitude faite par les biologistes. Par exemple, il est très courant d'écrire la réaction de formation de l'ATP sous la forme:

ADP + Pi → ATP + H2O

où le sigle "ADP" signifie adénosine diphosphate et le symbole Pi représente l'ion hydrogénophosphate HPO42-. Pour quelqu'un qui ne connaît pas la biologie, ce manque de rigueur dans l'écriture où l'on voit apparaître à droite de la flèche des atomes absents à gauche est tout à fait regrettable. Pour éviter cela, certains biologistes n'hésitent pas à carrément supprimer la molécule d'eau (!) et écrivent simplement:
ADP + Pi → ATP
En bon français cela s'appelle du jargon et aboutit à terme à ce que les biologistes et les médecins raisonnent sur des espèces fictives complètement déconnectées de la réalité. On ne voit plus que pour faire la synthèse de l'ATP il faut impérativement éliminer une molécule d'eau, que le magnésium est toujours présent tout au long de la réaction et que lorsque l'on a affaire à des espèces chargées, ces dernière ne peuvent exister que dans l'eau. Après cela, étonnez vous que la biologie devienne une science anhydre...
C'est la raison pour laquelle, je déconseille formellement l'emploi du sigle "ATP" dans un bilan chimique et préconise de réserver cet acronyme pour le texte, car même les grecs de l'antiquité connaissaient la devise: Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme. Pour ceux qui partagent ce point de vue, je leur conseille d'écrire l'ATP dans les bilans chimiques sous la forme MgAP3O92-,  faisait clairement apparaître qu'il s'agit d'une espèce de charge négative dont la charge est partiellement neutralisée par un ion Mg2+ et qui ne peut donc exister en tant que telle qu'en présence d'eau. La lettre 'A' est comme d''habitude l'abbréviation du mot "adénosine" et au lieu des lettres TP, je souligne qu'il y a 3 atomes de phosphore reliés par des atomes d''oxygène. Muni de cette convention, la réaction de formation de l''ATP devient:

MgHAP2O6 + HPO42- → MgAP3O92- + H2O

On remarquera que maintenant, la réaction est équilibrée aussi bien en masse, qu'en charge électrique, un minimum de rigueur pour tout scientifique qui se respecte. Ceci est évidemment correct si l'on raisonne de manière classique. En physique quantique, il faudrait également rajouter l'information de spin et l'on devrait donc en toute rigueur écrire:


1MgHAP2O61HPO42-1MgAP3O92- + 1H2O

faisait clairement apparaître que la réaction ne fait intervenir que des singulets de spin, c'est à dire des espèces non radicalaires et se trouve donc être autorisée de spin. Voici maintenant sous une forme encore plus développée, la structure chimique de cette molécule qui joue un rôle crucial en biologie et qui ne peut exister que dans l'eau. J'utilise ici le formalisme de Lewis où l'on dénombre le nombre total de paires électroniques V qui se répartissent en trois groupes: liaisons simples (σ), multiples (π) et doublets non partagés (λ) suivant la règle strict de l'octet pour les éléments p comme le carbone, l'azote, l'oxygène et le phosphore. Le magnésium étant un élément s, forme une liaison ionique qui ne suit pas la règle de l'octet et on considère donc qu'il donne ses deux électrons aux autres éléments p. Sur un plan stoechiométrique, l'ATP est un composé de formule brute C10H12N5P3O13 portant 4 charges négatives si l'on omet le magnésium. Le nombre total de paires d'électrons vaut donc:

V = [1x12 + 4x10 + 5x(5+3) + 6x14 + 4]/2 = 87

Sur un plan structural, l'ATP comporte c = 3 cycles pour q = 10 + 5 + 3 + 13 = 31 atomes "lourds" et h = 12 atomes d'hydrogène. Le nombre de liaisons simples vaut donc:

σ = h + q + c - 1 = 12 + 31 + 3 - 1 = 45

Le nombre d'insaturations autorisé dans le cadre de la règle stricte de l'octet vaut:

V + c = 3q + 1 - π ⇒ π = 3x31 + 1 - 87 - 3 = 94 - 90 = 4

Enfin le nombre de paires non partagées vaut:

λ = V - σ - π = 87 - 45 - 4 = 87 - 49 = 38

Le résultat est représenté ci-dessous:



On remarquera que, toujours dans un souci de rigueur quantique, je n'ai pas fait apparaître de double liaisons entre les atomes de phosphore et d'oxygène. En effet, sur un plan quantique, il est criminel de faire apparaître une double liaison qui en fait n'existe pas, puisque les calculs montrent que les plus fortes contributions aux liaisons chimiques  proviennent de l'orbitale 3s et des trois orbitales (3px, 3py, 3pz) de l'atome de phosphore, avec une contribution négligeable des cinq orbitales 3d. Chaque atome de phosphore se trouve donc bien engagé dans quatre liaisons chimiques fortes avec des doublets électroniques non-liants sur les atomes d'oxygène (charges négatives). Si d'aventure on annihilait chaque charge négative (doublet non-liant) sur l'atome d'oxygène avec la charge positive correspondante sur les atomes de phosphore centraux afin de faire apparaître une double liaison P=O, comme on le voit trop souvent écrit, on pourrait croire qu'il existe trois liaisons phosphore-oxygène beaucoup plus stables que les autres liaisons, ce qui n'est pas le cas. En effet, suite au phénomène de résonance quantique entre structures indiscernables il se trouve que dans l'ATP, toutes les liaisons P-O sont de même nature et qu'il n'y en a pas certaines plus stables que les autres. Si ceci est clairement évident dans la figure ci-dessus, cela l'est beaucoup moins dans la représentation suivante tirée de Wikipedia.
On remarquera que l'atome de magnésium a disparu et se trouve remplacé par des atomes d'hydrogène "fictifs" de manière à avoir une structure moléculaire neutre qui n'a plus besoin d'eau pour exister. En fait tout chimiste qui se respecte sait qu'une telle espèce est un acide fort, entièrement dissocié en milieu aqueux. On notera aussi la présence de trois double liaisons P=O, elles aussi complètement fictives. Essayez après cela d'aller comprendre ce qui se passe réellement dans une cellule si vous n'arrêtez pas d'écrire des espèces fictives...
En avons nous vraiment fini avec l'ATP? Pas vraiment, car si nous avons parlé de la conservation de la masse, de la charge et du spin, nous n'avons encore rien dit sur l'aspect énergie, ce qui est un peu raide pour une molécule censée stocker l'énergie. La valeur la plus souvent citée dans les livres de biologie pour l''énergie libre G libérée lors de la réaction d'hydrolyse de l'ATP qui correspond à l'inverse de sa synthèse:

MgAP3O92- + H2O → MgHAP2O6 + HPO42-

est ΔG = -30,5 kJ·mol-1. Le problème est que cette valeur ne tient pas compte de la chaleur de neutralisation de l’ion phosphate libéré, qui fait que l’énergie libre disponible par hydrolyse de l’ATP n'est en fait de -25 kJ·mol-1 [3]. Autrement dit, si l'on récupère de l'énergie lorsque l'on casse cette molécule, cela signifie qu'il faut en fournir pour la fabriquer, c'est à dire qu'il manque encore dans la réaction de synthèse une source d''énergie qui peut être soit de nature électrochimique (respiration), soit de nature photochimique (photosynthèse).
Dans la respiration cellulaire, la cellule utilise le fait qu'il existe toujours un potentiel membranaire ΔV qui provient de la répartition inégale du potassium de part et d''autre de la membrane lipidique. En établissant une différence de concentration en protons de part et d''autre d'une bicouche lipidique, puis en autorisant les protons à traverser cette membrane, on peut donc trouver l''énergie nécessaire pour fabriquer l'ATP, selon la relation: ΔG(kJ·mol-1) = 96,5xΔV(mV). Pour une valeur moyenne ΔV = -60 mV, on récupère donc environ 6 kJ·mol-1 par proton, ce qui nécessite de faire passer 4 protons pour obtenir une molécule d'ATP. En toute rigueur, la synthèse de l'ATP doit donc être écrite:

MgHAP2O6 + HPO42- + 4 H+ext → MgAP3O92- + H2O + 4 H+int

Les indices "ext" et "int" faisant ici référence à l'existence d''une membrane étanche au passage spontané des protons, ce qui empêche de les simplifier à droite et à gauche, comme ce serait évidemment le cas en solution.
Le fait d'écrire MgAP3O92- pour la formule de l'ATP, implique aussi que l'ADP doit s'écrire MgHAP2O6. On remarquera alors qu'il n'y a plus de charges négative, ce qui signifie que l'ADP recherchera plutôt les milieux lipophiles par contraste avec l'ATP qui ne peut exister que dans un milieu aqueux. Ceci nous montre que lors de la transformation de l'ATP en ADP, il y a non seulement création d'énergie mais surtout perte d'un grand nombre de molécules d'eau et migration du résidu ADP depuis un milieu hydraté vers un milieu plus lipophile. Toute poche protéique où se produit une transformation d'ADP en ATP ou réciproquement devra donc se déformer très fortement, ce qui provoquera un ébranlement complet de toutes les protéines en contact avec la protéine où se produit la transformation. Cette simple observation qui découle d'une écriture correcte des espèces chimiques mises en jeu devient fondamentale dans le cas du moteur actine-myosine par exemple.
Dernière chose, il existe également une dernière manière de casser la molécule d'ATP pour former un ion pyrophosphate et une molécule d'adénosine monophosphate (AMP) capable de se déshydrater pour former l'AMP cyclique (cAMP) qui est un messager second pour ce qui concerne l''action des hormones et des neurotransmetteurs. Par conséquent, l'AMP doit être écrite AH2PO3 soulignant sa nature lipophile comme l''ADP.

MgAP3O92- + H2O → MgP2O72- + AH2PO3

Cette écriture présente l'avantage de mettre en évidence la possibilité d'une déshydratation intramoléculaire pouvant conduire à l'espèce cAMP, formulée APO2 :

AH2PO3  → APO2 + H2O

Sur un plan stoechiométrique, l'AMP cyclique est un composé neutre de formule brute C10H12N5PO6 présentant un nombre total de paires d'électrons:

V = [1x12 + 4x10 + 5x(5+1) + 6x6]/2 = 118/2 = 59

Sur un plan structural, l'AMP cyclique comporte c = 4 cycles pour q = 10 + 5 + 1 + 6 = 22 atomes "lourds" et h = 12 atomes d'hydrogène. Le nombre de liaisons simples vaut donc:

σ = h + q + c - 1 = 12 + 22 + 4 - 1 = 37

Le nombre de liaisons multiples autorisé dans le cadre de la règle stricte de l'octet n'a pas changé:

V + c = 3q + 1 - π ⇒ π = 3x22 + 1 - 59 - 4 = 67 - 63 = 4

Enfin le nombre de paires non partagées vaut:

λ = V - σ - π = 59 - 37 - 4 = 59 - 41 = 18



Références

[1] Beis I & Newsholme EA (1975). "The contents of adenine nucleotides, phosphagens and some glycolytic intermediates in resting muscles from vertebrates and invertebrates". Biochem. J., 152 (1): 23–32.
[2] Storer A & Cornish-Bowden A (1976). "Concentration of MgATP2− and other ions in solution. Calculation of the true concentrations of species present in mixtures of associating ions". Biochem. J., 159 (1): 1–5.
[3] Podolsky RJ & Morales MF (1995), «The enthalpy change of adenosine triphosphate hydrolysis», J. Biol. Chem., 218, 945-959.

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