lundi 17 mars 2014

Effet Zeeman

Après les échecs de Michael Faraday de mettre en évidence l'effet d'un champ magnétique sur la fréquence de la lumière, ce fut au tour du physicien Hollandais Peter Zeeman d’essayer de voir si la lumière d’une flamme soumise à l’action d’un champ magnétique pouvait subir un quelconque changement. En 1893, il utilisa une flamme de sodium et constata lui aussi que rien ne se passait, mais étant convaincu que si un personnage aussi illustre que Faraday suspectait un lien entre optique et magnétisme s’était intéressé à ce problème, cela valait le coup de persévérer. Aussi, en août 1896 dans son laboratoire de l’université de Leide, il répéta l’expérience avec un électroaimant parcouru par un courant de 27 A et une flamme de bec bunsen alimentée par de petites quantités de sodium provenant d’un morceau d’amiante imprégné avec du sel de cuisine et placé entre les pôles de l’électroaimant. Il observa alors que chaque fois qu’il faisait passer le courant, les deux raies D se trouvaient significativement élargies. Répétant plusieurs fois l’expérience dans des conditions différentes, il finit par publier ses résultats d’abord en 1896 dans un journal Hollandais obscur, qui fut traduit en 1897 dans le volume 43, pp. 226-239 du Philosophical Magazine, avec le titre «On the influence of magnetism on the nature of light emitted by a substance». La conclusion de Zeeman était qu’il apparaissait extrêmement probable que la période de la lumière du sodium était modifiée par la présence d’un champ magnétique. C’est ainsi que 10 ans après que Hertz eu démontré le rôle fondamental joué par les champs électrique et magnétique dans la propagation de la lumière, Zeeman venait d’établir de manière quasi-certaine leur rôle non moins fondamental dans la production de cette même lumière. En 1897 Zeeman arriva à résoudre la raie rouge du cadmium à 6438.47 Å en deux raies (doublets) pour l’observation longitudinale et en trois raies (triplets) pour l‘observation transversale en employant un puissant aimant de 3,2 T. Zeeman qui était un expérimentateur et non un théoricien consulta son collègue hollandais Hendrik Lorentz qui compris de suite comment interpréter les résultats de Zeeman sur la base de sa théorie électronique où l’électron était considéré comme étant lié de manière élastique au noyau. Rappelons que la force de Lorentz est toujours perpendiculaire au plan défini par la vitesse de déplacement et la direction du champ magnétiqueIl décomposa alors le mouvement de l’électron en une vibration linéaire dans la direction z du champ magnétique appliqué associé à deux mouvements circulaires de directions opposées exécutés dans le plan perpendiculaire (x,y) à la direction du champ. Avec ce modèle, Lorentz prédit que la lumière vue de manière longitudinale, c’est à dire dans la direction des lignes de force du champ devait être circulairement polarisée car elle provenait d'électrons se déplaçant selon des orbites circulaires. Comme aucune lumière ne pouvait être émise par des électrons vibrant selon z, c'est à dire dans la direction du champ, on s''attend dans ce cas à observer deux raies.



Pour l'écart en fréquence entre ces deux raies, Lorentz faisait appel à la physique classique en considérant que la force mécanique centrifuge m·v2/r contre-balançait exactement la force de rappel k·r et la force de Lorentz e·v·B ce qui permettait d’évaluer les fréquences ν des deux mouvements circulaires: \[\left\{\begin{matrix} k=4\pi ^{2}\cdot m\cdot \nu _{0}^{2}\\v=2\pi r\cdot \nu \end{matrix}\right.\Rightarrow \frac{m\cdot v^{2}}{r}=k\cdot r+e\cdot v\cdot B\Rightarrow \nu \approx \nu _{0}\pm \frac{e\cdot B}{4\pi m}\] Pour ce qui concerne la lumière observée de manière transversale, Lorentz prédisait l'observation d'une fréquence non affectée par le champ et polarisée linéairement puisqu'elle provenait d'une oscillation des électrons dans la direction du champ (x ou y). Pour le mouvement circulaire dans le plan xy, la composante y pouvait émettre une lumière selon la direction x, tandis que la composante selon x émettait selon la lumière selon y. Comme le champ magnétique accélère ici l'une des composantes et ralentit l'autre, on s'attend à observer 3 raies, toutes de polarisation linéaires.



Lorentz publia son interprétation en 1897 en suggérant qu’il était possible de mesurer tout rapport charge/masse de l'électron via l’action d’un champ magnétique sur les fréquences d’émission des atomes. Cette prédiction fut aussitôt confirmée expérimentalement par Zeeman. En conséquence, lorsque J. J. Thomson mesura en cette même année 1897 le rapport charge sur masse des rayons cathodiques et des rayons β et que l’on constata un bon accord avec les mesures de Zeeman sur les atomes, l’hypothèse selon laquelle les atomes étaient constitués en partie d’électrons, responsables de l’émission de lumière, se transforma en certitude. De plus, en constatant que la composante de courte longueur d’onde était polarisée circulairement avec le même sens de rotation que le courant dans un électroaimant, on prouvait que l’électron (ou électricité résineuse) avait une charge électrique négative. Alors que tout semblait aller pour le mieux, le physicien Irlandais Thomas Preston (1860-1900) s’aperçut en cette fin d’année 1897 que la raie bleue à 4800 Å du cadmium ne donnait pas naissance à des triplets mais à des quadruplets (4 raies). il montra aussi que la raie D1 du sodium donnait également 4 raies sous la forme de deux doublets tandis que la raie D2 donnait naissance à six raies (sextuplet). Dans le cadre de la théorie de Lorentz qui ne prévoyait que 2 ou 3 raies, tout ceci était parfaitement anormal, ce qui fait que l'on baptisa ce comportement étrange "effet Zeeman anormal".



Le problème de l’effet Zeeman anormal et de ces nombreux multiplets spectraux fut de suite considéré comme comme l'un des problèmes central de physique quantique, et de fait il allait devenir pendant près de 30 ans un casse-tête insurmontable pour bon nombre des meilleurs physiciens de l'époque. Il fut résolu en via l'introduction du spin.

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